Alors que l’urbanisation sans limite des villes et métropoles échappe chaque jour un peu plus au contrôle des systèmes étatiques, leur régulation se négocie davantage entre conglomérats financiers, collectivités locales et est tempérée et reconfigurée par les mouvements associatifs et populaires. La recomposition des systèmes de gouvernance et de production urbaine fait écho à l’ensemble des contradictions qui traversent la ville et les sociétés citadines, contradictions accentuées par la montée inexorable des métropoles. Pour en donner un aperçu, ces contradictions se situent certes entre global et local mais s’étendent aux rapports entre inclusion et éviction, mixité et ségrégation, standardisation de la production et valorisation patrimoniale, étalement urbain et développement d’une ville durable…
Ces contradictions ne sont pas le simple produit du fait urbain majoritaire. Celui-ci est en effet la résultante d’un ensemble de processus très complexes et de nouveaux assemblages à la croisée entre transformations socio-économiques, changements des modes de gestion et augmentation des revendications spécifiquement urbaines. La dérégulation étatique dans des contextes multiformes de libéralisation économique explique autant qu’elle exacerbe ces injonctions contradictoires, tandis que les formes de gouvernance participative tentent de tempérer, à l’échelle micro ou des intercommunalités, des exigences complexes, nouvelles et mal appréhendées par les expertises et les systèmes techniques classiques.
Ce colloque est le premier d’une série à poser les contradictions urbaines comme élément clé de la mutation des systèmes urbains mais aussi des pratiques des citadins dans un univers majoritairement urbain et globalisé au devenir incertain (économique, social, environnemental et politique…). Son ambition est de préfigurer une série de colloques sur ce thème qui intéresse autant les chercheurs que les décideurs, les professionnels ou les citadins.
Pour la première journée de cette série, le colloque abordera les contradictions urbaines sous l’angle des relations entre conflits, pratiques collaboratives et recherches citoyennes. Les conférenciers exploreront les relations en reconfiguration rapide, changeantes, à l’interface entre l’influence des contre-pouvoirs citadins et des mouvements sociaux et des tentatives de régulation étatique voire transnationale, en témoignent la constitution récente des Conseils Citoyens dans les quartiers prioritaires ou les chartes locales du droit à la ville prises par plusieurs villes dans le monde. En lien avec le groupe de travail sur le « collaborative housing » de l’ENHR, Réseau de recherche européen sur l’habitat, et le séminaire du Centre de Recherche sur l’Habitat, des chercheurs européens mettront l’accent sur les pratiques d’habitat autogéré et le logement social en questionnant ces horizons alternatifs. La journée sera introduite par une conférence de Asef Bayat, penseur pionnier sur la question de la « politique de la rue ». Une table-ronde de chercheurs internationaux clôturera cette journée. Il sera question de développer des pistes pour une recherche citoyenne dans une dimension collaborative entre citadins, universités, laboratoires et plateformes ou réseaux de collaboration multi-acteurs pour une approche critique et pragmatique des contradictions urbaines.
Ce colloque international est organisé par le laboratoire Lavue (UMR 7218 CNRS) avec le soutien de ses tutelles (Universités Paris 8 et Paris Nanterre, Ministère de la Culture et de la Communication BRAUP). Il rassemblera des chercheurs de différents horizons scientifiques qui s’efforceront de comprendre et d’analyser les ressorts et les logiques économiques, sociales et urbaines de ces contradictions, à la lumière de toutes les disciplines qui convergent sur l’urbain : géographie, urbanisme, sociologie, anthropologie, droit, économie, histoire, architecture. La première journée de ce colloque pluri-annuel se tiendra l’Ecole Nationale Supérieure d'Architecture Paris Val-de-Seine.